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Artiste | Interview de Jonathan Nicolas
Aujourd’hui, ce n’est pas un groupe, mais un artiste aux multiples talents que nous avons eu le plaisir de rencontrer : Jonathan Nicolas, plasticien, vidéaste et illustrateur. Son univers fantastique questionne l’identité et le passage du temps… Présentations.
S. Bonjour Jonathan, parle-nous un peu de toi, de ta formation.
« Je suis vidéaste et illustrateur. J’ai été diplômé des Beaux-Arts de Bourges en 2016. Pendant mon cursus, j’ai principalement travaillé sur les enjeux plastiques et théoriques de l’ombre, ainsi que sur le médium cinématographique et la vidéo dans l’espace d’exposition. Ces travaux s’inscrivent souvent dans une esthétique fantastique. Ensuite, en 2017, je me suis installé à Toulouse où j’ai suivi une formation professionnelle de montage vidéo et je travaille donc en indépendant dans l’audiovisuel et l’illustration depuis 2018. »
S. Tu t’es donc directement intéressé à la vidéo. Pourquoi ce médium ? Quelles ont été tes inspirations ?
« Je me suis vraiment mis à travailler la vidéo lors de ma première année aux Beaux-Arts. Je pense que ce qui m’a d’abord attiré dans l’art vidéo, c’est les liens possibles avec les autres médiums, comme la peinture. Je me suis ensuite intéressé aux enjeux du médium lui-même, notamment à sa temporalité dans l’espace d’exposition ou à la question de l’immersion du spectateur, en lien avec le cinéma.
Si je dois citer un artiste qui m’a influencé, ce serait Bill Viola. C’est son travail qui m’a poussé à m’intéresser à l’art vidéo. J’ai été séduit par la plasticité de ses images et les thématiques qu’il abordait, en particulier le passage du temps.
J’affectionne également beaucoup le cinéma fantastique, de Georges Méliès à James Wan, en passant par le cinéma expressionniste et John Carpenter. L’esthétique de ces films a influencé un certain nombre de mes travaux et, de manière générale, je suis fasciné par la dichotomie du cinéma : par son ancrage dans le réel et ses liens avec l’imaginaire, le fantastique et le surnaturel. »
Clip vidéo réalisé pour « Skrik » de Avertia (2016)
S. Comment ces cinéastes t’ont-ils influencé au niveau esthétique et thématique ?
« Le visionnage de ces cinéastes m’a amené à interroger des procédés cinématographiques qui prennent une importance particulière dans le genre fantastique tels que le montage, le hors-champ ou la photographie. Ces interrogations transparaissent dans mon travail vidéo. Par exemple, mes expérimentations sur l’ombre ont été fortement marquées par le cinéma expressionniste allemand.
Tout comme dans le cinéma fantastique, on peut retrouver dans mon travail un goût pour l’étrange, le mystérieux, la limite… de même qu’une exploration de l’humain, des questionnements sur l’identité et l’altérité ou l’utilisation du concept d’unheimlich [l’inquiétante étrangeté ou l’étrange familier en français, mais la traduction est imprécise].
Je m’intéresse aussi à la confusion entre espace réel et imaginaire (que l’on peut d’ailleurs faire remonter aux prémices du cinéma que sont les lanternes magiques et les fantasmagories) que j’essaie de questionner dans certaines de mes installations.
Ces recherches m’ont également poussé à étudier la notion d’immersion au cinéma et dans l’art contemporain, ainsi que le paradoxe de l’art douloureux (prendre plaisir à souffrir ou à ressentir des émotions négatives à cause d’une œuvre d’art) – paradoxe que l’on peut retrouver notamment dans le metal. »
S. Tu es aussi plasticien. J’ai vu que tu utilisais différentes techniques : dessin, peinture, photographie, xylographie,… Peux-tu nous en dire plus ?
« J’ai toujours aimé expérimenter, ce qui explique la diversité de techniques que je peux utiliser. J’essaie de choisir le medium en fonction de ce que je veux exprimer, en choisissant celui qui me paraît le plus pertinent et en essayant de lier le fond et la forme. Pratiquer des techniques variées me permet également de questionner différemment des problématiques transversales. Par exemple, les questions liées à la lumière peuvent aussi bien se retrouver en dessin, en photo ou en installation et chaque approche pourra avoir un intérêt différent. Des recherches dans un medium peuvent également ouvrir de nouveaux champs de réflexion dans un autre.
De manière plus pragmatique, dans le cadre d’une commande, cette polyvalence me permet de m’adapter aux demandes du client.
Il y a également une dimension affective, un attrait particulier pour chaque medium. Par exemple, j’ai commencé la photographie par de la photo argentique (de manière classique et avec des sténopés, sortes d’appareils photos archaïques fabriqués à partir d’une simple boîte percée) et il y avait quelque chose de magique lors de la révélation des images dans les bacs de chimie. J’ai toujours apprécié les moments dans le labo et je pense qu’à chaque fois que je prends une photo, outre l’intérêt pour la composition de l’image et la lumière, il y a cet affect qui revient. Plus récemment, je me suis mis à la xylographie et j’ai apprécié le travail du matériau et le suspense précédent la découverte du résultat final lors du tirage des épreuves. Cette excitation est d’ailleurs similaire à celle du développement des photos argentiques.
J’aime beaucoup travailler en noir et blanc, principalement pour les jeux de contrastes et de valeurs et si je devais choisir une technique préférée, ce serait l’encre de chine. »
S. De fil en aiguille, tu t’es donc retrouvé dans le monde de l’Artwork metal… Comment en es-tu arrivé là ?
« J’ai commencé simplement par créer des visuels pour mes propres groupes. Il y a quelques années j’avais fait un logo pour un projet de Black/Death mélodique qui n’a malheureusement pas abouti. Ensuite, j’ai créé le logo et la pochette de la démo d’un projet Black Metal appelé Lux Antechristi. Malgré le temps passé et diverses difficultés, ce projet est toujours d’actualité et un EP est enfin prêt à être enregistré.
Ma première collaboration avec un autre groupe de metal remonte à 2015/2016. Lors d’un séjour en Norvège, j’ai rencontré plusieurs musiciens pour un projet personnel de documentaire qui s’est transformé finalement en une pièce vidéo. Je me suis particulièrement bien entendu, autant personnellement qu’artistiquement, avec l’un d’entre eux : Kristoffer Georg Nøstdal. Il m’a proposé de créer la pochette du premier album de son groupe Avertia. Notre relation de travail perdure, et après plusieurs autres illustrations et un clip, je signe la pochette du nouvel album du groupe (dont la sortie est prévue pour bientôt). »
S. Justement, comment travailles-tu avec les groupes ? Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton processus de création ?
Je suis ouvert à tout type de collaboration. Le processus de création dépend de la demande du groupe. Celui-ci peut être très cadré ou me laisser une grande liberté. Dans ce dernier cas, un peu de matière est la bienvenue pour travailler : un thème, des visuels, la musique, les paroles, un titre… Selon la requête, je soumets une ou plusieurs propositions au groupe, sous forme d’esquisses pour une illustration ou un logo, ou d’un script et de dessins pour un clip. Après concertation, ces propositions me permettent de réaliser le rendu final.
Par exemple, avec Kristoffer, avec qui j’ai le plus travaillé, nos collaborations ont été très variées. J’ai eu de sa part des demandes assez précises, notamment pour la pochette de Trollmannen où il m’a donné la scène qu’il voulait voir représenter, même si j’étais libre de la mise en forme. Mais la plupart du temps, il m’a fait confiance en me laissant carte blanche. Dans ces cas-là, j’ai pu travailler à partir d’un morceau de musique, d’idées directrices ou seulement à partir d’un titre. »
S. Merci, Jonathan, d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions ! Pour finir, est-ce que tu as des projets/envies que tu souhaiterais développer ?
« Je souhaite développer mon activité dans le monde du metal car c’est un milieu pour lequel j’ai beaucoup d’affinités. Je pense également que c’est une musique avec un potentiel esthétique stimulant. Ça m’intéresserait donc de travailler avec ce matériau, que ce soit pour créer des clips, des illustrations ou des logos. »
Pour suivre son travail et le contacter :
Propos recueillis par Sarah
Couverture : « Relique n°1 ». Etude de crâne, crayon blanc sur papier noir (2019)
Diaporama : Photographies pour « Une parole est une ombre« , installation, pièce sonore et projection (2016) ; Série « Reliques« , Etudes de crâne, crayon blanc sur papier noir (2019)
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