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SIC SEMPER TYRANNIS – Dhänürgh
Sic Semper Tyrannis
Dhänürgh
Label : Ritual Productions
2020
La Lutte
Un split est toujours une action artistique particulière. Si c’est pour des raisons économiques et pratiques que ce format est apparu ; bien vite des artistes s’en sont saisis afin de marquer leur appartenance au même monde musical, revendiquant les mêmes accointances esthétiques et artistiques.
Je dois bien avouer qu’à titre personnel j’ai toujours eu du mal avec ce format, le côté duo empêchant l’un et l’autre des groupes de nous donner son monde, comme si l’intimité artistique ne pouvait se dévoiler à nos esprits déjà défroqués.
Pourtant…
Je ne qualifierai pas Semper Tyrannis (SST) et Dhänürgh (D) de groupes en totale opposition artistique. Cependant ils expriment bien des choses différentes, et arrivent ici à se compléter.
Ruines Superbes
SST arrive avec un projet clairement affiché : être superbe.
Le choix des statues en pochette, les ornements dont se parent la musique, les mélodies envoutantes et mélancoliques ; sans tomber dans une mièvrerie plébéienne.
Le sang aristocrate coule dans les veines de projet, son ambition, son sens de la mélodie et des arrangements prouvent que nous sommes face à une créature qui rêve le monde figé, dont lui seul serait maitre des voluptés, des mouvements qui déplacent les lignes et l’Azur.
Maître rêvant, maître en sang, mélancolique et serein.. La force de Sic Semper Tyrannis c’est de tenir ses rêves et de nous les dévoiler, ce qui rend sa musique on ne peut plus intense, c’est qu’elle n’a pas reçu les moyens de s’accomplir.
On sent une restriction, mais ce n’est pas un aspect négatif, au contraire. J’aime les vainqueurs perdus. L’aspect décati se marie avec finesse autour de la broderie élégante que tissent les riffs et les arrangements. Le charme opère et je ne connais pas l’avenir de ce rêve… Voué à se perdre ou à croître dans notre réalité ?
Tombes Esseulées
Et puis il y a Dhänürgh. Un projet d’un homme, un projet dont l’ambition est difficile à cerner ici. Le son est moins ample que celui de SST : plus caverneux, au mixage incertain. Pour autant il y a une force et fut-ce volontaire ou non, les moments de mélancolique clarté de SST trouvent avec D, leur pendant négatif.
D vient nous rappeler que, l’aristocratie et ses utopies : personne n’est là pour les vivre ! Dhanurgh vient et abat une vindicte pleine de hargne et de bave, ne lâchant nos esprits trop bourgeois que pour nous murmurer lors d’introductions étranges des horreurs… Un Mal, un souffle contenant toutes les prières de la folie.
Dhänürgh vient salir l’oeuvre, de la plus saisissante des manières. Saisissante oui ! Car la musique de D sait se faire attractive également (de beaux trémolos mélodiques notamment). Salir ? Oui, et cela par le son et l’interprétation. On perd pied, non pas dans un rêve, mais dans une folie colérique sentant bon le caveau et le rat.
Le coeur des morts
SST l’aristocrate déchu
D le miséreu enflammé.
Qui des deux a le sang qui pourri ? Les deux sont superbes et les deux crèvent.
Et moi bobo depuis peu, j’écoute les ratiocinades de l’un, l’horreur de l’autre. Et il m’est impossible de choisir. Il m’est impossible de les séparer désormais… Ils ne font qu’un. Ils sont la même voix beuglante d’un refus de tout… Ils sont la même voix l’un la déclamant au ciel, l’autre la murmurant au sol… Ils sont la même voix qui prône et fuit la dépravation spirituelle de notre Age.
Ils sont uns.
Je ne m’y attendais pas. Le bobo est surpris et ses préjugés confondus par l’aristocrate et le vulgaire.
Le Froid
L’oeuvre absolue est l’oeuvre dont chacun des processus de création est alors maîtrisé.
Mais les hasards peuvent bien faire les choses.
Il n’y a pas de hasard, que de l’Absurdité.
Cette production est absurde.
Et en même temps elle fait sens : malencontreusement l’esprit lui donne une raison d’être, une justification à ce qu’elle soit ainsi.
Le manifeste porté par les plaintes du vent
On vient du sol, de la charogne, des vers, et des lézardes fait sur un mur écroulé.
On vient de la laideur, on approuve ce qu’elle suscite, on lui trouve des charmes et une senteur bienvenue dans ce monde d’hygiénistes…
On aime la faute, l’erreur, et l’imperfection de chaque chose.
On…
Je, peut être, pourquoi essaierai-je de réunir sous mon opinion des « gens » ?
J’aime quand ça sonne mal, car ici cela permet d’apporter avec plus d’opacité le malheur…
Les sanglots c’est de la morve qui coule, pas un ange sur la colline à la pleine lune bleutée. Voulons nous nous illusionner ou trouver la poésie dans la trivialité ?
J’ai choisi mon camp.
La Faim
Un split c’est court.
Le manifeste de chacun dure peu de temps. Malgré la cohérence inattendue, on a envie d’aller visiter cette bâtisse superbe aux traits ravagés, et ces hôpitaux publics abandonnés. On a envie d’explorer le monde de l’un et de l’autre. On ressort frustré donc. Pas frustré parce que les artistes n’atteignent pas ce qu’ils souhaitaient atteindre dans leurs compositions. Mais parce qu’ils l’ont atteint, et qu’on aurait voulu continuer avec chacun d’eux, à visiter leur corridors et leurs catacombes.
L’absence
Que manque t’il ?
Le temps…
Le soutien peut être…
Il manque encore du temps… Que chacun puisse faire ce qu’il souhaite, pleinement : une oeuvre entière.
Enfin !
Il manque juste cela…
Robin